La créativité comme outil de re-construction identitaire

Il est difficile de mesurer les effets de l’incarcération sur la créativité.  Pour les artistes, l’imagination est sans aucun doute un moyen d’évasion et une façon de réinventer le monde chaque jour. Mais pour les détenus ?
En amenant la culture en prison, nous partons du principe que la pratique d’activités créatrices est un outil puissant de valorisation de soi et de re-construction. Une oeuvre d’art de qualité montrée au public permet à son créateur de renouer avec le monde environnant dans un sentiment de fierté et de dignité. En un mot, l’action créatrice peut fournir l’énergie du rebond à des personnes que la vie a abîmé et qui sont momentanément en difficulté. Retour

 

Quelle autonomie artistique pour le détenu ?

La pratique artistique représente selon nous un moyen privilégié pour exprimer son appartenance à la société. L’art offre en effet la possibilité de réfléchir et d’assumer son identité dans le cadre d’un processus de création. L’action culturelle inaugure ainsi de nouvelles dynamiques artistiques qui viennent enrichir et diversifier la production culturelle classique. Une telle démarche n’est toutefois pas sans poser problème : Quelle autonomie le détenu peut-il se ménager ? Retour

 

Quelle influence exercée par la réalité carcérale sur  la production artistique du détenu ?

La prison a longtemps été conçu comme le modèle d’une « institution totale », c’est-à-dire d’une institution qui « enveloppe » de manière particulièrement intense ceux qui y vivent : du fait qu’elle prend en charge l’entier de la vie quotidienne et qu’elle la circonscrit à un espace restreint, la prison immerge en effet profondément le détenu. D’un autre côté, si la promiscuité carcérale intensifie nécessairement les contacts entre eux, elle est aussi source de conflits. De même, la diversité des parcours individuels et des infractions commises contribue à freiner la naissance d’une identité commune. A quel groupe social le détenu peut-il dès lors revendiquer son appartenance ? L’art issu de la prison a aussi pour intérêt d’informer la société sur une réalité carcérale soustraite au regard et par essence méconnue. Retour

 

Quelle réception sociale pour un art issu de la prison ?

Cette question fait écho à la précédente. La production artistique issue de la prison et sa publication au dehors questionnent en effet la relation que la société entretient à ceux qu’elle enferme. La figure du prisonnier est à l’origine d’un imaginaire riche et varié que personne ne peut ignorer : le détenu est tour à tour conçu comme être antisocial, monstre dangereux ou victime d’une société qui l’oppresse de manière plus ou moins délibérée. Dans un tel climat, comment la société peut-elle accueillir un art issu de ses prisons ? Peut-elle seulement octroyer à son auteur une certaine indépendance vis-à-vis de son statut de prisonnier ? Retour

 

Article 43

Plusieurs des détenus apparaissant dans le film ont fait l’objet d’une condamnation assortie d’une application de l’article 43 de l’ancien code pénal. Depuis 1965, cet article prévoyait l’internement des délinquants jugés dangereux dans des établissements psychiatriques « appropriés » (sécurisés). Mais de tels établissements n’ont pas été créés, si bien que ces détenus restent en prison tant que la mesure d’internement n’est pas levée. Et comme ils ne bénéficient pas de soins adéquats en prison, les experts ne les laissent pas volontiers sortir. Depuis plusieurs années, la prévention de la récidive prime clairement sur les efforts visant à favoriser la resocialisation.
Le 8 février 2004, les Suisses ont adopté l’initiative réclamant « l’internement à vie pour les délinquants sexuels ou violents jugés dangereux et non amendables ». Le nouveau code pénal, entré en vigueur en janvier 2007, élargit l’application de telles mesures d’internement (l’ancien article 43 est repris dans l’actuel article 59/64 et 65), alors qu’on ne dispose toujours pas de structures « appropriées ». En raison de cette révision de la loi, les détenus concernés faisaient l’objet de réévaluations de leurs cas pendant le tournage du film.

Ce que nous avons découvert dans le cadre de cet atelier, c’est que des hommes parfois condamnés à des peines relativement légères étaient soumis à ce type d’internement à durée indéterminée. En adoptant l’initiative pour l’internement à vie, les Suisses songeaient probablement à des criminels en série, non à des délinquants condamnés à de courtes peines. Est-il admissible d’enfermer durablement une personne en milieu carcéral, non pour un grave crime commis, mais de crainte qu’elle n’en commette un plus tard ? En France, le gouvernement a adopté un projet similaire de « rétention de sûreté », après la sortie de prison, pour les criminels les plus dangereux. Ce projet est très contesté, alors qu’il serait réservé à des criminels condamnés à au moins 15 ans de réclusion. Retour



La relation à la contrainte

La relation à la contrainte est un thème sous-jacent à l’ensemble de la démarche et du film. Si, pour atteindre ses objectifs, Prélude se doit de forcer les portes des prisons, il ne peut, une fois entré, agir librement. Au contraire, pour subsister, il lui faut sans cesse se soumettre aux règlements et contraintes qui régissent l’univers carcéral. Cela implique pour les artistes animateurs d’atelier en prison de parvenir à valoriser la contrainte comme facteur de stimulation. Ce n’est qu’à cette condition que les détenus pourront faire fi du contexte et libérer leur imagination. Retour